France-Espagne : la guerre du bâtiment

Pour faire face à une crise sans précédent, les entreprises de construction espagnoles se sont attaquées au marché français avec des tarifs particulièrement compétitifs. Les constructeurs hexagonaux dénoncent une concurrence déloyale.

Suite à l’éclatement de la bulle immobilière qui a provoqué la crise du secteur de la construction en Espagne, les petites et moyennes entreprises du bâtiment qui luttent pour survivre sont innombrables. Près de 8.000 d’entre elles ont fait faillite au cours des 5 dernières années. Fortes de leur expérience, mais aussi de la flexibilité de la main-d’œuvre et de son moindre coût dans la péninsule ibérique grâce aux récentes réformes du travail, elles sont de plus en plus nombreuses à envahir le marché français, surtout dans le Sud de la France.

Les professionnels du bâtiment français, pour qui l’année 2013 a été difficile, ne cessent de s’en plaindre en dénonçant, une  « concurrence déloyale », une formule reprise par plusieurs titres de la presse quotidienne régionale, à tel point que le journal El Confidencial parle d’une véritable « croisade contre les constructeurs espagnols ». Dumping ou libre concurrence ?

Les experts s’accordent à conclure que, si les constructeurs espagnols remportent davantage de marchés, c’est parce que leurs projets sont moins coûteux, notamment grâce à un droit du travail plus flexible. L’entreprise catalane Urcotex, qui se charge de la construction des installations pour les pompiers de Perpignan, propose en général des projets 10% moins chers que le mieux placé de ses concurrents. Mais elle se défend de faire du dumping et de saborder le marché. « Nous avons une très bonne préparation technique car, en Espagne, les entreprises du bâtiment sont habituées à réaliser l’ensemble des travaux, et non seulement un lot, ce qui est le cas des constructeurs français et peut représenter un risque pour les clients », explique Albert Marti, responsable des projets d’Urcotex dans l’hexagone, «de plus, la différence de prix n’est pas si flagrante,car travailler en France implique toute une série de coûts indirects, assurances, transports, etc. ».

Ce cadre reconnaît toutefois que la France est un marché sur lequel il est « difficile d’entrer » . Lorsqu’Urcotex a obtenu le marché des installations pour les pompiers de Perpignan, certains de ses concurrents ont porté plainte pour concurrence déloyale, mais le tribunal les a déboutés. Malgré la forte réticence des entreprises françaises, le marché européen reste libre pour tous et de plus en plus de constructeurs espagnols vont tenter leur chance de l’autre côté des Pyrénées. Les grandes entreprises du bâtiment espagnol, quant à elles, s’exportent déjà depuis de nombreuses années. Elles réalisent aujourd’hui plus de 70% de leur chiffre d’affaires à l’étranger.

Par Philippe Chevassus

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