TOUT CE QUE VOUS DEVEZ SAVOIR À PROPOS DE L’IMPÔT ESPAGNOL DE SOLIDARITÉ SUR LES GRANDES FORTUNES.

Elena Isabel Albaladejo Sobolewski – Avocate fiscaliste et collaboratrice de Morillon Avocats. Morillon Avocats (morillon-avocats.com) 91 119 05 35 fiscal@morillon.es . Pour Le Courrier d’Espagne.

Attention, cette note constitue une brochure informative et ne peut en aucun  cas se substituer à une analyse au cas par cas et à un conseil adapté à votre situation. De plus, cette note a été préparée sur la base du projet de loi de l´impôt, qui  risque d évoluer avant sa mise en place définitive.

L´ISGF, qu´est-ce que c´est? 

L´impôt de solidarité sur les grandes fortunes (ISGF) est un nouvel impôt de l´État espagnol complémentaire à l´Impôt sur le Patrimoine (IP). En revanche, alors que la  gestion du second est cédée aux Communautés Autonomes, qui peuvent donc établir des  abattements, fixer le plafond et les taux d´impositions, le premier est du ressort du  Gouvernement central et ne peut dont pas être modifié par les Communautés Autonomes.  

L´objectif réel poursuivi par sa mise en place est d´éliminer indirectement les  abattements que certaines Communautés Autonomes appliquent à l´impôt sur le  patrimoine (à Madrid et récemment aussi en Andalousie), afin d´assurer que l´ impôt sur  le patrimoine soit payé sur tout le territoire espagnol. 

Va-t-il y avoir une double imposition entre le nouvel ISGF  et l´ancien IP? 

Il s´agit en effet de deux impôts très similaires qui, dans la pratique, taxent le  même type de biens ; néanmoins, le plafond à partir duquel l´ISGF est exigible est plus  élevé que le plafond de l´IP. De plus, l´ISGF prévoit un crédit d´impôt au titre de l´IP, de  sorte que les personnes redevables de l´IP (par exemple, les personnes résidantes dans  une Communauté Autonome n´ayant pas établi d´abattements au titre de l´Impôt sur le  Patrimoine), pourront déduire le montant de l´IP de leur quote-part de l´ISGF. 

Est-ce que l´ISGF va être mené en justice et, le cas  échéant, la procédure a-t-elle des chances d’aboutir?

La conflictualité de l´ISGF réside sur le fait qu´ il s´agit d´un impôt qui taxe les  mêmes biens que l´IP, alors que l´IP est un impôt dont la gestion est cédée aux  Communautés Autonomes. C´est à dire, que la mise en place de l´ISGF va à l´encontre  des compétentes cédés aux Communautés Autonomes.  

Le Gouvernement central est tout à fait dans son droit de mettre en place ce nouvel  impôt ; or, pour le faire correctement il aurait dû suivre la procédure prévue par les statuts  d´autonomie des Communautés Autonomes, à savoir sur le principe du commun accord.  

Ceci n´a pas été respecté et c´est donc le principal argument pour mener en justice  ce nouvel impôt et sûrement celui qui sera utilisé pour le contester. Néanmoins, ce n´est  malheureusement pas possible d’anticiper le résultat de la future procédure au tribunal.

Quand va commencer à s´appliquer l´ISGF? 

Selon le Gouvernement central, l´impôt sera déjà en vigueur en 2022. Pour cela,  la Loi le régissant devra être approuvée avant le 31 décembre 2022. 

Est-ce que le fait que l´année 2022 soit déjà concernée par  cet impôt veut dire qu´il est rétroactif? 

Non, parce que le fait imposable de l´ISGF (de même que le fait imposable de  l´IP) se produit le 31 décembre de chaque année. Donc, si la Loi est approuvée avant cette  date, il ne s´agira pas d´une application rétroactive. 

Est-ce un impôt définitif? 

Selon les premières informations officielles, il s´agit d´un impôt temporaire pour  une durée de deux ans. Néanmoins, le Gouvernement a indiqué qu´il en réviserait les  résultats après sa mise en place, ce qui fait craindre que cet impôt puisse devenir définitif. 

Quel est le plafond au-dessous duquel l´ISGF ne se paie  pas? 

Le plafond au-dessous duquel l´ISGF ne se paie pas est de 3.000.000,00€. Il faut  ajouter une exonération de 700.000,00€ pour les contribuables résidents fiscaux en  Espagne qui ne paieront donc pas cet impôt si leur patrimoine ne dépasse pas  3.700.000,00€.  

À noter qu´il s´agit d´un impôt individuel qui concerne les biens de chaque  contribuable individuellement et non ceux du foyer. En cas de mariage sous le régime de  la communauté, seront concernés les biens appartenant en nom propre à chacun des  contribuables (notamment, les biens acquis avant le mariage ou les biens reçus après en  héritage ou donation) et par 50% des biens acquis après le mariage, qui sera attribué à  chacun des conjoints.

Quels sont les biens ciblés par l´ISGF? 

Tous les biens faisant partie du patrimoine du contribuable concerné. Nous  n´allons pas faire état de la totalité des biens et droits ciblés par l´impôt, par souci de  simplicité ; en voici la liste des plus courants : comptes en banque, titres et assurances vie, véhicules (de toutes sortes), bateaux, bijoux, œuvres d´art, immobilier et droits sur  les immeubles (nue-propriété, usufruit ou pleine propriété) …  

À noter que les charges et dettes visant les biens imposables seront retenues pour  calculer le patrimoine net. 

Quelle est la valeur retenue pour chaque catégorie de biens? 

À priori, les règles de détermination de l´assiette appliquées pour l´IP seront  également utilisées pour l´ISGF. Voici le détail pour les principales catégories de biens :  

– Pour les comptes en banque, le montant le plus élevé entre les suivants : soit la  valeur au 31 décembre, soit le solde moyen du dernier trimestre de l´année.  

– Pour les titres :  

a) s’ils sont côté en bourse, la valeur de cotation au 31 décembre.  

b) s’ils ne sont pas côtés en bourse mais correspondent à une entité soumise à un  audit annuel, la valeur théorique résultante du dernier bilan approuvé lors de la déclaration  de l´impôt (patrimoine net/nombre de titres de la société).  

c) s’ils ne sont pas côtés en bourse mais correspondent à une entité non soumise à  audit annuel : la valeur la plus élevée des trois suivantes : soit la valeur nominale, soit la  valeur théorique, soit la valeur résultante de capitaliser à 20% le résultat des trois derniers  exercices.  

– Pour les assurances-vie : la valeur de rachat au 31 décembre.  

– Pour les véhicules : la valeur fiscale (calculée selon le barème annuel approuvé  par l´administration fiscale). 

– Pour les bateaux, les bijoux et les œuvres d´art : la valeur de marché, entendue  comme valeur à laquelle deux parties indépendantes accepteraient de vendre et d´acheter,  respectivement. 

– Pour l´immobilier détenu en pleine propriété:  

a) en général, la valeur la plus élevée entre celle d´acquisition, la valeur cadastrale  ou celle déterminée par l´administration fiscale lors d´un contrôle. 

b) pour les biens immeubles situés en Espagne acquis à partir du premier janvier  2022, la valeur de référence cadastrale (qui substitue l´ancienne valeur fiscale et qui est  fournie par le cadastre, même s’il ne s´agit pas de la valeur cadastrale).  

c) pour les biens se trouvant hors de l´Espagne : la valeur vénale.  – Pour l´immobilier démembré : la valeur de la nue-propriété ou de l´usufruit,  calculée selon les règles fiscales espagnoles. L´usufruit se calcule comme suit : 89 – âge  de l´usufruitier lors du démembrement (en tenant toujours compte d´une valeur résiduelle  minimum de 10% au-delà de 79 ans). Le résultat constitue le pourcentage attribuable à  l´usufruit sur la valeur totale. Et la différence entre la valeur totale du bien et la valeur de  l´usufruit constitue la valeur de la nue-propriété (qui doit être actualisée chaque année  conformément au vieillissement de l´usufruitier mais en tenant toujours compte de la  valeur résiduelle minimum à retenir).

Qui sont les contribuables concernés par cet impôt?

– Les contribuables résidents fiscaux en Espagne, qui seront concernés pour  la totalité de leurs biens, où qu´ils se trouvent (en Espagne ou en à l´étranger).  

– Les contribuables résidents fiscaux en Espagne mais assujettis au régime  des impatriés (Beckham), (il n´est pas encore clair si seulement pour leur patrimoine situé  en Espagne ou pour leur patrimoine mondial, mais à priori ce serait le premier cas).  

– Les contribuables non-résidents fiscaux en Espagne, du moment qu´ils  détiennent en Espagne un patrimoine dépassant les 3.000.000,00€.  

– Les contribuables non-résidents fiscaux en Espagne, détenant de  l´immobilier en Espagne à travers une société étrangère non-résidente dont l´actif soit  composé de plus de 50% d´immobilier situé en Espagne, quand la partie des parts du  contribuable correspondante à l´immobilier sous-jacent ait une valeur de plus de  3.000.000,00€. Cette imposition ne sera d´application que si le pays dont est ressortissant  le contribuable a signé avec l´Espagne une Convention fiscale et que cette Convention  fiscale le permet (la Convention fiscale franco – espagnole, le permet, par exemple).

À noter qu´il aura y une exonération générale de 700.000,00€ plus une décote de  300.000,00€ à appliquer sur la valeur de la résidence principale (dont le contribuable doit  être propriétaire, soit en pleine propriété, soit en démembrement).  

Ces deux mesures, soit l´exonération et la décote, ne seront d´application que pour  les contribuables résidents fiscaux en Espagne (les non-résidents et les impatriés ne  pourront donc pas les appliquer).  

La décote s´applique sur la valeur de la résidence principale attribuable au contribuable en question, c´est à dire, s’il ne détient que l´usufruit, pour une valeur de,  par exemple, 150.000,00€, la décote le concernant sera de 150.000,00€. Donc, il s´avère  qu´un contribuable résident fiscal en Espagne qui détiendrait un patrimoine composé de  3.900.000,00€ dont 600.000,00€ correspondent à sa résidence principale, ne serait pas  redevable de l´ISGF car il appliquerait, en premier lieu l´exonération générale de  700.000,00€, et ensuite la décote de 300.000,00€ sur la valeur de sa résidence principale,  ce qui baiserait son patrimoine imposable à 2.900.000,00€, soit en dessous du plafond.

Y-a-t-il des exonérations ou des incitations fiscales à prévoir? 

Les incitations prévues par la Loi de l´IP sont maintenues pour L´ISGF, les  principales étant les suivantes :  

– Exonération des biens affectés à l´activité professionnelle du contribuable (sous  conditions très spécifiques en fonction du type de bien).  

– Exonération des parts des sociétés « familiales », soit des sociétés dans lesquelles  le contribuable détienne au moins 5% du capital à lui tout seul ou 20% avec son groupe  familial (conjoint, ascendants, descendants et collatéraux jusqu´au deuxième dégrée), et  qu´il développe dans cette société une activité professionnelle de direction ou de gérance  lui rapportant plus de 50% de sa rémunération professionnelle. Cette exonération est très  restrictive et exige l´accomplissement stricte de plusieurs conditions cumulatives qui ne  sont pas évoquées plus en détail ici, dans un souci de simplification de cette brochure. De  plus, cette exonération n´atteindra que la partie de la valeur des parts correspondante au  pourcentage de l´actif de la société affecté à l´activité économique (en gros, les sociétés  purement patrimoniales ne peuvent pas bénéficier de cette exonération).

Quel est le taux d´imposition de cet impôt? 

Cet impôt est calculé par tranches progressives qui vont de 1,7% à 3,5%. 

Y-a-t-il un bouclier fiscal? 

Oui. La réglementation de l´ISGF prévoit le même bouclier fiscal que la Loi de  l´IP. À savoir, entre l´IRPF, l´IP et l´ISGF le contribuable ne peut pas payer plus de 60%  de la valeur de son assiette de l´IRPF. Si c´est le cas, la quote-part de l´IP et de l´ISGF  seront réduites. Néanmoins, la réduction ne peut aller au-delà de 80% des quote-parts de  l´IP et de l´ISGF en question. En d´autres termes, même en faisant jouer le bouclier fiscal,  le contribuable aura toujours à payer au moins 20% de sa quote-part de l´IP et de l´ISGF.  

En revanche, le patrimoine qui ne dégage pas de revenus ne bénéficiera pas du  bouclier fiscal, notamment (mais pas exclusivement) les biens en nue – propriété ou les  œuvres d´art. C´est à dire que la partie de quote-part de l´IP et de l´ISGF découlant des  éléments ne dégageant pas de revenus imposables au titre de l´IRPF ne feront pas partie  de cette limite de 60%.  

Par ailleurs, afin de déterminer quel est le 60% de l´assiette de l´impôt sur le  revenu, les plus-values découlant de la cession de biens détenus pendant plus d´un an, ne  sont pas retenues.  

Attention : le bouclier fiscal n´est d´application que pour les contribuables  résidents fiscaux en Espagne.  

Voici un exemple numérique de l´application du bouclier fiscal : Un contribuable  a une assiette de 20.000,00€ au titre de l´impôt sur le revenu, dont 6.000,00€ constituent  une plus-value découlant de la cession de parts détenues pendant quelques années. Sa  quote-part au titre de l´IRPF s´élève à 5.000,00€, dont 1.140,00€ constituent l´imposition  de la plus-value précitée.  

Pour l´application du bouclier fiscal, ni les 6.000,00€ d´assiette, ni les 1.140,00€  de quote-part ne seront retenues. Donc, afin de calculer le bouclier fiscal, 14.000,00€  seulement seront retenus au titre d´assiette de l´IRPF (20.000,00€ – 6.000,00€). 60% de  14.000,00€ = 8.400,00€.  

Soit, entre l´IRPF, l´IP et l´ISGF le plafond de ce contribuable est de 8.400,00€.  Néanmoins, si son ISGF s’élève à 20.000,00€, il en paiera minimum 4.000,00€, même si en total les quotes-parts (5.000,00€ au titre de l´IRPF et 4.000,00€ au titre de l´ISGF)  dépassent le plafond de 8.400,00€.

Quelles sont les dates de déclaration et de paiement de cet impôt? 

Selon toute logique, l´impôt devrait se déclarer dans le même délai imparti pour  l´impôt sur le revenu et pour l´impôt sur le patrimoine (avril – juin) et se payer en juin  (sauf en cas de demande d’étalement/échelonnement); or, la période de déclaration et  paiement de cet impôt n´a pas encore été définie. 

Y-a-t-il des mesures d’urgence à mettre en place  permettant d’éviter ou de réduire cet impôt? 

La mesure la plus drastique est le changement de résidence fiscale, qui permettrait en tout cas d´éviter l’impôt si les biens détenus par le contribuable en Espagne s’estiment  à moins de 3.000.000,00€. Néanmoins, en général il est assez compliqué de mettre en  place cette mesure pour 2022.  

D´autres possibles mesures à prévoir sont :  

a) Une restructuration patrimoniale permettant de bénéficier de l´exonération des  parts des sociétés familiales, si le patrimoine principal du contribuable est composé de  parts de société et si ses circonstances personnelles lui permettent de s´adapter aux  conditions requises par la Loi pour pouvoir faire jouer cette exonération.  

b) Faire jouer le bouclier fiscal : contrôler dans la mesure du possible le type et le  montant des revenus à se faire verser (retarder le paiement de dividendes, etc).  

c) Mettre en place des donations ou des démembrements de propriété, afin de  réduire la valeur totale du patrimoine du contribuable. Les donations peuvent être mises  en place en établissant des conditions sur la détention, afin d’en limiter les effets: établir  un système d´administration, fixer une période d´indisponibilité des biens si les biens ont  été donnés à des enfants mineurs, etc…  

Pour finir, en ce qui concerne les donations, il faut noter que le donateur peut  dégager sans le vouloir une plus-value imposable au titre de son impôt sur le revenu  espagnol si la valeur vénale du bien donné est supérieure à sa valeur d´acquisition originaire. Il faut donc faire attention à ce potentiel impact fiscal avant de faire jouer les  donations. 

Puis, pour finir, un cas pratique chiffré… 

Un contribuable résident fiscal à Madrid, détient un patrimoine composé par les  biens suivants : 

Une assurance-vie française, dont la valeur de rachat au 31-12-2022 est de  1.000.000,00€. 

Un compte titres (dont les titres sous-jacents sont donc côtés en bourse) pour une  valeur au 31-12-2022 de 3.000.000,00€. 

Des parts de SCPI dont la valeur au 31-12-2022 est de 400.000,00€. Des parts de SCI dont la valeur au 31-12-2022 est de 3.000,00€. 

Une résidence secondaire à Antibes, dont la valeur vénale est de 900.000,00€ 

Sa résidence principale à Madrid, acquise en janvier 2022, dont il est propriétaire  à 100% et dont la valeur de référence cadastrale est de 750.000,00€. 

La valeur totale du patrimoine de ce contribuable s´élève donc à 6.053.000€. 

En appliquant l´exonération de 700.000,00€ et la décote de 300.000,00€ sur la  valeur de sa résidence principale, son patrimoine imposable est rabaissé à 5.053.000,00€. 

Par ailleurs, l´assiette de l´Impôt sur le revenu de ce contribuable, composée  uniquement de son salaire, est de 150.000,00€ et sa quote-part de 60.000,00€ 

La quote-part de l´ISGF pour ce contribuable est calculé selon les tranches qui  suivent

De 0,00€ à 3.000.000,00€ à 0%. 

Reste de 2.053.000,00€ (soit 5.053.000,00€ – 3.000.000,00€) à 1,7%, soit  34.901,00€. 

En appliquant le bouclier fiscal (60% de l´assiette de l´IRPF), le plafond entre la  quote-part de l´IRPF et la quote-part de l´ISGF serait de 90.000,00€.

Dans le cas qui nous occupe, son ISGF serait donc plafonné à 30.000,00€ (il  paierait donc 60.000,00€ au titre de l´IRPF et 30.000,00€ au titre de l´ISGF). Le paiement  de minimum 20% de la quote-part de l´ISGF (6.980,20€) serait respectée dans ce cas-là.

Elena Isabel Albaladejo Sobolewski – Avocate fiscaliste et collaboratrice de Morillon Avocats. Morillon Avocats (morillon-avocats.com) 91 119 05 35 fiscal@morillon.es

Le Courrier d’Espagne

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