L’entreprise Gowex, fournisseur de réseaux Wi-Fi de plusieurs grandes villes dans le monde, était devenue l’un des symboles de la success story à l’espagnole. Cette semaine, la révélation de comptes falsifiés depuis plusieurs années, puis sa demande de redressement judiciaire ont fait l’effet d’une bombe. Consacré « Entrepreneur de l’Année » par Ernst & Young en 2012, Jenaro García, fondateur et président de Gowex, incarnait la réussite des petites entreprises technologiques espagnoles. Souriant, dynamique, sympathique, ce serial entrepreneur qui avait créé sa première société à l’âge de 19 ans, accumulait les prix et distinctions pour le succès de Gowex. La dernière en date : le Prix National de Marketing 2014, remis à Madrid fin mai par l’Association de Marketing d’Espagne pour la rapide croissance de l’entreprise et son sens de l’innovation, et suite à laquelle Jenaro García évoquait l’importance de l’éthique et de la morale dans son entreprise. Des propos qui prennent un tout autre sens quelques semaines plus tard. Des comptes falsifiés depuis 4 ans La révélation d’une comptabilité falsifiée a surgi d’un cabinet américain d’analyse financière, Gotham City Research, qui publiait le 1e juillet dernier un rapport extrêmement détaillé sur la situation réelle, d’après lui, de Gowex. L’entreprise, qui a notamment équipé du Wi-Fi la ville de Nice, les bus touristiques de Madrid et Barcelone ou encore le métro de Paris, présenterait des comptes truqués depuis plusieurs années, 90% des revenus déclarés n’existeraient pas et ses actions n’auraient aucune valeur. Le titre, coté au MAB (Marché Alternatif Boursier de Madrid) dégringole et Gowex contre-attaque, s’estimant victime de fausses accusations. Jenaro García se permet même de blaguer devant ses équipes, proposant d’aller installer le Wi-Fi à Gotham, ville imaginaire de Batman et nom du cabinet ayant révélé l’affaire. Mais la confiance des marchés n’y est plus et le 5 juillet, le président de Gowex passe aux aveux devant le Conseil d’Administration de l’entreprise, admettant avoir falsifié la comptabilité de cette dernière depuis « au moins ces quatre dernières années ». Ne pouvant faire face à ses dettes, le Conseil d’Administration demande la déclaration en redressement judiciaire de l’entreprise et accepte la démission de Jenaro García. Les conséquences pour le MAB Le titre Gowex, qui a perdu plus de 60% de sa valeur entre le 2 et le 3 juillet, a été suspendu par les autorités du Marché Alternatif Boursier de Madrid. Le MAB, créé en 2006, est un marché boursier parallèle dédié aux petites et moyennes entreprises cherchant de nouveaux capitaux. La réglementation y est adaptée aux PME et offre une meilleure flexibilité que la Bourse de Madrid. Une vingtaine d’entreprises y sont actuellement cotées, dont Imaginarium ou encore Neuron Biopharma. Plusieurs d’entre elles ont annoncé cette semaine vouloir quitter le MAB pour rejoindre le marché continu espagnol. “Il s’agit d’un excellent outil pour les PME espagnoles qui y trouvaient jusque-là un autre moyen de se financer, compte-tenu de la frilosité des banques à octroyer des crédits, explique José Ramón Pin, professeur spécialisé dans les institutions publiques à l’IESE, mais cette affaire va lui faire beaucoup de tort. Les investisseurs sont prêts à prendre des risques, mais pas celui de la comptabilité falsifiée“. Selon l’ensemble des experts, le scandale Gowex nuira au MAB et à l’image des régulateurs boursiers, mais la Bourse de Madrid ne sera pas affectée.