Le transport est aux avant-postes pour les anticipations de tendances économiques

Stéphane de Creisquer, CEO, Volvo Espagne

Stéphane de Creisquer fait partie de ces français influents en Espagne et à la tête de filiales de grands groupes. C’est le patron de Volvo Espagne, il dirige plus de 800 employés. La reprise économique est plus qu’une réalité pour Stéphane de Creisquer. D’ailleurs, la construction et le transport sont selon lui les principaux baromètres.

La reprise économique est bien présente, comment se caractérise-t-elle dans votre secteur? Le secteur du transport routier est fortement corrélé à la situation macroéconomique : en effet lorsque la consommation est plus forte, il y a plus de marchandises à transporter et inversement. Après 7 années de dure crise économique en Espagne, nous voyons enfin des améliorations notables en terme d’indicateurs économiques et de confiance des investisseurs. Dans notre secteur, cela se traduit par plus de marchandises dans les camions, et donc par plus de commandes de véhicules. A fin Mars 2015, le marché des véhicules industriels est en hausse de 25% !

Peut-on dire qu’il représente avec la construction un des principaux thermomètres? En effet, le secteur du transport est aux avant-postes pour les anticipations de tendances économiques ; après la construction, nous sommes les deuxièmes à descendre en temps de crise, les deuxièmes à remonter en temps de reprise. Autant dire que le fait de voir à nouveau des grues et plus de camions sur les routes en Espagne est un symptôme positif.

Vous avez annoncé il y a peu une nouvelle organisation dans votre groupe, avec Renault entre autres, vous pouvez nous en dire plus? Notre industrie a beaucoup souffert de cette crise ! La chute de la consommation est arrivée à une vitesse foudroyante. En Espagne, le marché du véhicule industriel a baissé de 60% en 24 mois ! Comment peut-on s’adapter aussi rapidement dans un secteur qui allie des processus industriels lourds de fabrication de véhicules et des offres service qui doivent être disponibles dans tous nos points de vente & service en Europe ? Aujourd’hui, le secteur du transport routier est plus concentré. La crise a obligé nos clients à se réorganiser : il y a un peu moins d’acteurs sur le marché mais ce sont des acteurs plus grands, plus forts. Ce qui leur permet de mieux couvrir leurs frais fixes et d’avoir une capacité d’achat plus puissante. Nous avons aussi eu confirmation qu’en temps de crise, le client qui survit est celui qui investit dans la qualité. Comme on dit en espagnol « a lo largo, lo barato sale caro » ! Autrement dit, mieux vaut bien investir dès le départ dans un produit de qualité… Afin de minimiser l’immobilisation du véhicule, ce qui pourrait mettre en péril la relation avec vos propres clients. Avec ces enseignements, nous nous sommes donc adaptés nous aussi. Nous avons changé notre organisation afin de créer un groupe d’entreprises, désormais appelé « Volvo Group España ». Cette nouvelle structure nous permettra de mieux optimiser la gestion de nos deux marques prestigieuses, Renault Trucks et Volvo Trucks. Tout en gardant sa propre identité, chacune pourra s’enrichir de l’expérience de l’autre pour offrir le meilleur véhicule et les meilleurs services après-vente à ses clients respectifs. En même temps, nous créerons des optimisations de coûts dans notre façon de travailler ; les unités de support seront désormais regroupées par process et non par marque. En interne, chacun aura un défi nouveau à relever, ce qui sera certainement source de motivation et de développement de son talent.

En quoi cela va-t-il renforcer le Groupe Volvo en Espagne ? L’union fait la force dit le proverbe ! Aujourd’hui, on parle de partage de meilleures expériences (« to share best practices » en anglais). Je crois que l’actif principalement d’une entreprise est l’actif Humain. En regroupant nos collaborateurs dans un même site, en créant un climat de confiance où l’héritage de chaque marque est respecté, où la parole est libre et où les idées sont constructives, nous créerons un environnement propice à améliorer de façon exponentielle la qualité de service que nous offrons à nos clients. Qui sera le premier bénéficiaire de cette nouvelle organisation !

Comment vous situez-vous par rapport au reste des acteurs du marché ? Nous sommes définitivement leaders ! A fin Mars, notre part de marché (véhicules plus de 16t) est de 30%, soit 4% de plus par rapport au suivant. Ceci grâce à la confiance déposée par nos clients dans nos marques. Je crois que nos valeurs corporatives (sécurité, qualité, respect pour l’environnement) ont guidé toutes les actions mises en oeuvre par notre Groupe et je suis heureux de constater que nos clients d’hier sont encore opérationnels aujourd’hui et pour nombre d’entre eux, sortent de la crise plus forts qu’ils n’y étaient entrés.

Plus personnellement, pensez-vous que l’Espagne va devenir une locomotive économique en Europe ? Plus généralement, quelle est la force du pays aujourd’hui ? Je le crois ! Et son redressement est impressionnant. Il y 3 ans, les experts économiques de Bruxelles se demandaient quand on allait devoir intervenir pour « sauver » le pays… Depuis, nombre de réformes ont été introduites et elles commencent à donner leurs fruits.Certes, la facture sociale est lourde ; l’érosion du pouvoir d’achat est forte, mais l’urgence de la situation dictait la mise en place de réformes fortes. Aujourd’hui, je crois que l’Espagne est sur la bonne voie et je veux croire que sa force réside désormais dans les enseignements de la crise ; il n’est pas sain de « sur financer », on ne peut faillir sur la transparence et l’anticipation du moyen terme est une obligation. Enfin, je suis impressionné par la capacité d’innovation de l’Espagne, par sa solidarité et par son optimisme.

Phillipe Chevassus

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