Alors que le chômage touche un actif sur quatre et plus d’un jeune sur deux, beaucoup d’Espagnols sautent le pas et décident d’émigrer pour fuir une crise économique dont ils ne voient pas l’issue. Enquête. « Nous n’avons pas fixé de date de retour », nous confie Isaac, 32 ans, documentaliste au chômage depuis un an et demi. Avec sa compagne Patricia, également sans emploi, il quittera Ténérife pour Amsterdam dans dix jours : « nous allons repartir de zéro, explique-t-il, là-bas nous n’avons ni appartement, ni travail, juste quelques 12 000 euros d’économies, pour nous donner le temps de nous installer. Mais le taux de chômage aux Pays-Bas est encore moins important qu’en Allemagne et il y a beaucoup d’entreprises internationales où nous pourrons travailler en anglais ». Pour Isaac comme pour beaucoup de jeunes de sa génération, l’Espagne offre peu d’opportunités d’emplois qualifiés. Les trentenaires diplômés avec quelques années d’expérience tentent de plus en plus leur chance à l’étranger : « je pense que nous ne sommes que les premiers à partir, analyse le jeune canarien, dans les deux années à venir, beaucoup nous suivront, j’en suis sûr. Nous sommes aujourd’hui exactement dans la même situation que la Grèce il y a deux ans. ». En quête d’une qualité de vie perdue Selon les dernières statistiques, 30 000 Espagnols sont partis travailler en Angleterre au cours des douze derniers mois, soit 25% de plus que l’année précédente. Le Royaume-Uni, la Suisse et l’Allemagne sont les principales destinations des émigrants ibériques à la recherche d’une qualité de vie soudainement perdue en 2008. Marc, 34 ans et cadre supérieur dans le secteur de l’emballage à Barcelone, cherche quant à lui un emploi aux Etats-Unis ou au Canada : « je ne suis pas très optimiste quant à la situation de l’Europe, et encore moins de l’Espagne, confie-t-il, j’ai peur de perdre ma qualité de vie, puis de vivre les problèmes sociaux qui suivront ». Fuite des cerveaux.. et des capitaux Interviewé par le New York Times, José Garcia Montalvo, économiste à l’université Pompeu Fabra de Barcelone, s’interroge par ailleurs sur la fuite des capitaux qui accompagne le plus souvent l’émigration «Il est évident que l’on assiste à un mouvement de panique. Les plus riches avaient déjà retiré leurs capitaux de nos banques. Maintenant ce sont les professions qualifiées et la classe moyenne qui partent avec leur argent en Allemagne ou à Londres. » En juillet dernier, 75 milliards d’euros ont été retirés des banques espagnoles, une somme bien supérieure au reste de la zone euro, expliquée en large partie par le manque de fiabilité du système bancaire espagnol, ses récents scandales et par l’émigration de plus en plus importante des Espagnols. “Nos proches sont tristes de nous voir partir, conclut Isaac, mais pour nous, c’est l’espoir d’une nouvelle vie et de nouvelles opportunités“. Aurélie Chamerois