Fiscalité en Espagne : des paradis fiscaux ?

En matière de fiscalité, l’Espagne est un pays dont l’originalité peut surprendre lorsqu’on parle d’impôts en général. En effet, il existe autant de régimes fiscaux que de régions (17), aussi bien sur la question de l’impôt sur le revenu que les autres formes d’imposition, comme l’impôt sur le patrimoine. Comme nous pourrons le constater dans cet article, l’impôt sur le Patrimoine peut constituer un élément majeur à l’heure de décider de son lieu de résidence fiscale en Espagne, selon le patrimoine détenu par un particulier et en dehors du choix de résidence pour des motifs personnels.

L’impôt sur le Patrimoine est l’équivalent de l’impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF) français. Il est régulé par la loi espagnole 19/1991 et a comme particularité que la détermination du taux d’imposition applicable peut être de la compétence des gouvernements régionaux (autonomias).

Historiquement, l’Impôt sur le Patrimoine apparaît pour la première fois en 1977, coïncidant avec une des premières crises de l’Espagne post-franquiste. En 1991 il est actualisé dans la loi mentionnée ci-dessus et disparaît en 2008 jusqu’en septembre 2011, au plus fort de la dernière crise économique du pays due à l’explosion de la bulle immobilière. Depuis 2012 le gouvernement en proroge son applicabilité tous les ans.

Le contexte actuel de déficit public permanent couplé à la sensibilité de l’opinion publique sur le sujet ne permet pas de prévoir une prochaine disparition de cet impôt.

Les questions que l’on peut se poser au sujet de cet impôt sont les suivantes :

  • Quels sont les biens soumis à l’Impôt sur le Patrimoine ?

La loi prévoit l’imposition de l’ensemble des biens et droits à contenu économique possédés par une personne physique avec déductions de charges inhérentes aux biens et de toutes les autres dettes et obligations personnelles du titulaire.

  • Le logement principal est-il soumis à cet impôt ?

Oui, toutefois la loi établit une valeur exemptée fixée à hauteur de 300.000 Euros dans le calcul de la base imposable.

  • À partir de quel montant est-on obligé de payer ?

La loi espagnole détermine une base imposable minimale de 700.001 Euros pour être assujetti à cet impôt.  Ce montant minimal peut varier selon le gouvernement régional de la communauté autonome de résidence. A titre d’exemple pour la Catalogne, le montant minimal exempté est jusqu’à un montant de 500.000 Euros.

  • Quel est le montant minimal d’obligation de présentation de déclaration de l’impôt sur le Patrimoine ?

La loi établit que même si le montant à payer est de zéro, le contribuable est obligé de présenter la déclaration quand la valeur brute (sans déduction de charges et autres obligations) du patrimoine est supérieure à 2 millions d’Euros.

  • Existe-t-il un plafond ?

Oui, le taux d’imposition global d’une personne physique tenant compte de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur le Patrimoine ne peut pas excéder de 60 % de la base imposable aux effets de l’impôt sur le revenu. On évite ainsi qu’une personne sans revenu mais avec un patrimoine important soit dans l’obligation de payer plus d’impôts que ses revenus perçus dans l’année. Toutefois ce plafonnement ne peut pas conduire à une réduction supérieure à 80 % du montant de l’impôt sur le patrimoine préalablement calculé.

  • L’impôt tient-il compte de la situation familiale ? du nombre d’enfants ?

Non, à la différence de l’impôt sur le revenu, celui-ci ne tient pas compte de la situation familiale. Il ne peut pas bénéficier des réductions pour motif de mariage ou nombre d’enfants.  La seule circonstance personnelle et subjective qui peut être prise en compte est une situation d’incapacité de la personne imposable et dans tous les cas comme réduction de l’impôt et non comme cause d’exonération de déclaration.

  • Est-on obligé de faire une déclaration commune avec son conjoint ?

Non, à la différence de la France, l’impôt sur le Patrimoine espagnol est une déclaration individuelle. Toutefois, il faut tenir compte de la quote-part de biens détenus avec le conjoint, le cas échéant. Mais la déclaration reste individuelle pour chaque personne imposable.

  • La valeur des droits consolidés dans les plans de pensions entre-t-il dans le calcul de l’impôt ?

Non, ils ne sont pas pris en compte dans le calcul de l’impôt. Un argument de plus pour cet outil d’épargne de retraite.

  • Comment estime-t-on la valeur des produits d’Assurance Vie qui entrent dans le calcul de l’impôt ?

Il faut tenir compte de la valeur de rachat au 31 décembre de l’année de déclaration fiscale.

  • En tant que non-résident fiscal espagnol, est-on obligé de déclarer ? Si la réponse est affirmative et que le détenteur des biens a des actifs dans différentes communautés autonomes, quelle est la loi applicable ?

Oui, les déclarants sont concernés par « l’obligation réelle » (propter rem) si le patrimoine en Espagne excède les 2 millions d’euros. La loi de la région qui s’applique est celle où le déclarant a la majeure partie de son patrimoine en Espagne.

  • S’agit-il d’une déclaration « papier » ? Quel formulaire doit-on utiliser ?

L’impôt doit se déclarer obligatoirement de manière télématique à l’aide d’une signature électronique (certificat FNMT). Le formulaire électronique principal à prendre en compte est le formulaire « 714 » fourni par le Trésor Public espagnol sur sa page web (www.aeat.es). Si le déclarant est soumis également à l’impôt sur le revenu, il sera obligé de le faire aussi en format électronique.

  • Quelles sont les échéances importantes concernant cet impôt ?

La date à tenir en compte pour le calcul des valeurs est en général le 31 décembre de chaque année. Des règles spéciales peuvent être appliquées concernant quelques types de biens ou droits économiques (comme par exemple, les comptes bancaires). La période de présentation de déclaration de l’impôt est normalement fixée annuellement par le Trésor Public entre le début du mois d’avril et la fin juin.

  • Concernant les dépôts bancaires doit-on tenir compte seulement du solde de mes comptes au 31 décembre ?

Non, la loi établit qu’il faut imputer le montant le plus important des deux valeurs suivantes :

  • La valeur (solde des comptes) au 31 décembre
  • Le solde moyen du compte au dernier trimestre (attention aux exceptions prévues par la loi dans ce point)
  • En tant que résident fiscal en Espagne sous le régime fiscal des impatriés doit-on présenter la déclaration de l’impôt sur le Patrimoine ?

Oui, la loi de l’impôt sur le patrimoine prend en considération l’obligation réelle (propter rem)

  • Si la personne réside à Madrid et ne possède aucun bien immobilier dans cette ville et que le patrimoine est composé seulement d’un bien immobilier situé à Barcelone, où doit-elle déclarer ?

La déclaration se fait selon la loi de Madrid, car le critère fondamental de résident fiscal espagnol est le lieu de résidence habituelle, indépendamment de la localisation du patrimoine.

  • Si la personne physique devient résidente fiscale espagnole, doit-elle déclarer son patrimoine situé hors d’Espagne ?

Oui, il faut non seulement le faire dans la déclaration de l’impôt sur le patrimoine (formulaire 714) mais également prévoir de faire chaque année la déclaration informative dite « 720 » sur les biens et droits situés à l’étranger.

  • Quid de la convention franco-espagnole pour éviter la double imposition ?

L’article deux établit clairement que l’impôt sur le patrimoine espagnol et l’impôt français de solidarité sur la fortune entrent dans le champ d’application de la convention de double imposition.  Les articles 23 et 24 contiennent les diverses règles de répartition du droit d’imposer entre les deux Etats afin d’éviter les doubles impositions.

  • Quelles sont les étapes de la procédure de calcul et liquidation de l’impôt sur le patrimoine ? À quel moment doit-on appliquer le montant d’exemption de 700.000€ selon la loi espagnole ?

Le calcul et la liquidation se fait en quatre étapes :

1/ Calcul du patrimoine brut (soit la valeur totale des biens et droits économiques non exemptés) dont on soustrait les montants des dettes déductibles selon la loi pour arriver au résultat de la base imposable de l’impôt.

2/ Déduction à la base imposable du minimum exempté. On obtient ainsi la base liquidable de l’impôt.

3/ Application à la base liquidable du taux d’imposition selon l’échelle de taux applicable dans la région.

4/ Application de la réduction par plafonnement avec IRPF (l’impôt sur le revenu payé en Espagne), le cas échéant.

Déduction de l’impôt équivalent payé à l’étranger (pour éviter la double imposition) et application des réductions spécifiques régionales. Le montant final est le montant à payer au Trésor Public Espagnol.

 

Exemple de calcul de liquidation de l’impôt sur le patrimoine :

Monsieur X est titulaire des biens et droits patrimoniaux ci-dessous. Les hypothèses retenues pour l’exemple : prise en compte du cas général de la loi et résidence fiscale espagnole.

1.- Logement à caractère de « residencia habitual » ou résidence principale

– Valeur d’achat : 190.000 Euros

–  Valeur cadastrale : 120.000 Euros

2.- Résidence secondaire sur une des côtes maritimes espagnoles

– Valeur d’achat : 160.000 Euros

– Valeur cadastrale : 110.000 Euros

3.- Terrain constructible (valeurs au 31/12)

–  Valeur d’achat : 1.800.000 Euros

–  Capital restant dû prêt immobilier utilisé pour acquisition : 1.500.000 Euros

3.- Soldes de comptes bancaires

  • Solde au 31/12 : 150.000 Euros
  • Solde moyen dernier trimestre : 175.000 Euros

 

Déclaration et calcul de la base imposable de l’impôt :

1ere étape : Monsieur X calcule la valeur brute de son ensemble patrimonial, soit l’addition des valeurs suivantes :

Immeubles et terrains : 1.960.000 Euros (le calcul ne tiendra pas compte du logement à caractère de « residencia habitual » car il est couvert par la valeur minimale exonérée établie par la loi, soit 300.000 Euros)

Soldes comptes bancaires : 175.000 Euros (on tient compte du solde moyen du 4ème trimestre car il est supérieur au solde au 31/12)

Dettes : 1.500.000 Euros (car le prêt immobilier a été contracté pour l’acquisition du terrain)

Base imposable nette : 635.000 Euros (soit la valeur des immeubles et terrains plus solde comptes bancaires moins le montant capital restant dû de prêt immobilier)

Base liquidable nette = Base imposable nette – réduction minimum personnelle de 700.000 Euros (cas général)

Résultat : base liquidable nette négative (- 65 000€). Monsieur X ne devra donc pas payer l’impôt sur le patrimoine

Monsieur X doit-il malgré tout présenter la déclaration de l’impôt ? Oui, car la valeur brute de son patrimoine est supérieure à 2.000.000 Euros (1 960 000€ + 175 000€).

Différences fiscales entre les régions autonomes de Madrid, Catalogne, Andalousie et des Iles Baléares

Madrid

L’impôt sur le Patrimoine applicable à Madrid est assez simple : Il faut simplement déclarer si le patrimoine brut a une valeur supérieure à deux millions d’Euros. Le taux réel applicable est de zéro car le gouvernement autonome de la région de Madrid a décidé de maintenir une réduction de 100% sur cet impôt. C’est le régime le plus avantageux d’Espagne.

Catalogne

L’impôt sur le patrimoine est conséquent. Le minimum d’exemption est de 500.000 Euros, soit deux cent mille Euros de moins que prévu dans le cadre général de la loi espagnole.

L’échelle de taux applicable est la suivante pour l’exercice 2015 à déclarer en 2016

 

Andalousie

Pour ceux qui sont attirés par l’idée de s’installer sur la « Costa del Sol », une réflexion s’impose au sujet de l’impôt sur le patrimoine applicable dans cette région autonome. En effet l’Andalousie est une des communautés régionales qui taxe le plus le patrimoine.

 

Iles des Baléares

Les iles des Baléares ont le régime le plus pénalisant d’Espagne en matière d’impôts sur le patrimoine.  Le taux maximal atteint 3.45 %.


Conclusion :

Il est donc important de tenir compte de la fiscalité de l’impôt sur le patrimoine avant de décider d’une résidence fiscale en Espagne. Selon le choix d’installation et le patrimoine détenu, les choix géographiques peuvent être pénalisants dans les régions plus ou moins proches des côtes, voire dans certaines îles. Aussi, l’achat d’un bien immobilier peut devenir déterminant en termes de fiscalité, aussi bien pour le régime d’appartenance à une région et la fiscalité attenante, mais également dans le cas d’une rentabilité locative attendue et également en matière de planification de transmission dudit patrimoine.

Vous souhaitez en savoir plus, contactez vos interlocuteurs privilégiés :

Mihaï LEZIUS-DONCEL-  Banque Transatlantique Madrid T +34 91 436 74 90

Javier PALOMINO SANCHEZ –  Banque Transatlantique Barcelona  T +34 93 270 21 52

Email : btespagne@banquetransatlantique.com

Site dédié : https://expatries.banquetransatlantique.com

Article rédigé par Banque Transatlantique

 

 

 

 

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