Le tourisme a subi de plein fouet la “révolution collaborative”. Les plateformes adoptant ce modèle connaissent un succès qui pourrait bien se confirmer au cours des prochaines années. Selon le cabinet PwC, les entreprises touristiques ayant opté pour le modèle de l’économie collaborative ont une perspective de croissance annuelle d’environ 30% au cours des dix prochaines années. Et ce, malgré des normes toujours plus strictes qui tentent de réguler le secteur. Selon Josep Francesc Valls, expert en tourisme et professeur à la business school ESADE de Barcelone, “la consommation collaborative est l’une des grandes tendances de base du XXIe siècle et elle conditionne aujourd’hui le client : tout ce qu’on lui offre depuis l’optique du tourisme collaboratif possède un intérêt additionnel”. Des valeurs plus attirantes Les clients se sentent en effet plus proches des valeurs prônées par l’économie collaborative que par celle de l’économie traditionnelle. Des valeurs telles que le respect de l’environnement et des populations locales, de moindres coûts et une approche plus personnalisée du service. “Cela signifie que les entreprises traditionnelles doivent commencer à se demander comment adopter ces valeurs” analyse Josep Francesc Valls. Mais le succès des entreprises de tourisme collaboratif repose également sur des coûts beaucoup moins élevés que les entreprises traditionnelles. “Les plateformes en ligne basées sur la consommation collaborative, qui se lancent sous forme de start-ups, ont réduit leurs coûts d’entrée sur le marché, explique Dianne Dredge, professeur à l’Université d’Aalborg à Copenhague, la prise de risque s’est également déplacée et repose en grande partie sur les fournisseurs et les consommateurs”. Selon cette experte, les pays d’Europe du Sud (Espagne, Portugal, Italie, Grèce), qui ont également été les plus touchés par la crise économique, sont ceux qui adoptent le plus rapidement les concepts d’économie collaborative. Une étude du cabinet Nielsen révélait en début d’année que 55% des Espagnols se déclaraient intéressés par cette nouvelle tendance. Changement d’époque L’essor de l’économie collaborative, notamment dans le secteur du tourisme, s’inscrit également dans une lente transition vers un nouveau modèle de consommation. “Nous sommes en train de passer d’un modèle industriel à un modèle post-industriel, conclut l’experte danoise, et l’économie collaborative fait partie de cette transition”. Si ces concepts ont d’abord intéressé les plus jeunes ou les moins fortunés, ils commencent à s’étendre à l’ensemble de la population. Ainsi 20% des clients d’Airbnb voyagent à titre professionnel, et l’âge moyen ne cesse d’augmenter. Une étude menée par le spécialiste du covoiturage Blablacar et publiée cet été révélait également que le profil des passagers était devenu beaucoup plus hétérogène en l’espace de cinq ans. L’âge moyen des nouveaux inscrits est passé de 29 à 34 ans, et c’est chez les sexagénaires que la croissance du nombre d’inscrits est la plus rapide. Les usagers ne sont plus seulement des étudiants ou de jeunes actifs : deux conducteurs sur trois sont désormais des cadres. Yves Charnet, 63 ans, entrepreneur français à Barcelone, reconnaît utiliser la plateforme lors de tous ses déplacements en France : “c’est plus pour la philosophie, même si la cerise économique joue aussi un peu, explique-t-il, mais cela me force souvent à m’ouvrir à des personnes que je n’ai pas toujours l’occasion de rencontrer et m’oblige à maintenir une certaine flexibilité et agilité mentale. J’ai aussi l’impression d’être utile”. Le défi pour ces nouvelles entreprises reste sans doute la mise en place d’une régulation claire qui leur permettra de bénéficier d’une sécurité juridique. Attaqué par la confédération espagnole des sociétés d’autobus qui demande son interdiction pour concurrence déloyale, Blablacar est actuellement dans l’attente du verdict du tribunal de commerce de Madrid.