Il n’existe pas de délit fiscal pour les revenus non déclarés dans le formulaire « Modelo 720 », si ces revenus proviennent d’exercices qui ont déjà prescrit (Décision Audience Nationale 12/2020, du 21 septembre)
Les revenus non déclarés dans le formulaire « Modelo 720 » du Trésor Public espagnol, qui consiste à déclarer des biens possédés à l’étranger, ne constituent pas un délit contre le Trésor Public espagnol s’ils proviennent d’exercices qui ont déjà prescrit. Ainsi l’a déclaré la chambre pénale de l’Audience nationale dans sa récente décision 12/2020 du 21 septembre.
Dans le cas qui y a été analysé, les contribuables, même s’ils avaient présenté leur déclaration du formulaire « Modelo 720 » dans les délais fixés, n’ont pas déclaré trois comptes bancaires ouverts en 2009 en Andorre et sur lesquels d’importants versements et retraits ont été faits en 2009, 2010 et 2012 et ces derniers n’ont été déclarés au Trésor Public espagnol qu’en 2014.
Le Trésor Public espagnol, après avoir vérifié que les contribuables (la mère et ses deux fils) avaient dissimulé les fonds et les titres situés en Andorre et les rendements en résultant, et manquant par conséquent à l’obligation prévue par la 18ème Disposition Additionnelle de la Loi espagnole 58/2003 générale d’imposition, a décidé d’appliquer les dispositions de l’article 39.2 de la Loi espagnole 35/2006 relative à l’impôt sur le revenu des personnes physiques. Cela veut dire que ces biens devaient être considérés comme gain en capital non justifié attribuable à l’exercice fiscal le plus ancien non prescrit susceptible d’être régularisé. Le tout en vertu de la modification législative apportée par les articles 1 et 3 de la Loi espagnole 7/2012 du 29 octobre relative à la modification de la réglementation fiscale et budgétaire et à l’adaptation de la réglementation financière visant à renforcer les actions de prévention et de lutte contre la fraude, qui a pris effet le 31 octobre 2012.
Inexistence du fait de base qui donne lieu au délit fiscal
Le Tribunal estime qu’il n’a pas été établi que les accusés aient commis une infraction fiscale ayant des conséquences pénales en raison des versements effectués en 2009, 2010 et 2012 sur les comptes qu’ils ont ouverts en Andorre. Et cela parce que « la réforme instaurée par les articles 1 et 3 de la Loi espagnole 7/2012 du 29 octobre, relative à la modification de la réglementation fiscale et budgétaire et à l’adaptation de la réglementation financière visant à renforcer les actions de prévention et de lutte contre la fraude, publiée le 30 octobre 2012 et qui a pris effet le 31 octobre 2012 ne peut leur être appliquée car les faits imposables commis par les accusés se sont produits à des dates antérieures à l’entrée en vigueur de l’article 39.2 de la Loi espagnole sur l’impôt sur le revenu des personnes physiques et la 8ème disposition additionnelle de ladite Loi 7/2012 ».
« Plus précisément, les versements effectués en Andorre concernent les exercices fiscaux de 2009, 2010 et 2012, dont les périodes d’imposition auraient dû être liquidées volontairement, jusqu’au 30 juin 2010, 2011 et 2012 respectivement. En revanche, aux effets pénaux et conformément à la réglementation en vigueur depuis le 31 octobre 2013, la dette fiscale a été unifiée et appliquée intégralement à l’exercice 2013, année au cours de laquelle elle est survenue, et non pas à chaque exercice 2009, 2010 et 2012 ».
Un tel comportement de l’administration fiscale d’Espagne, comme le rappelle la décision qui, « a déjà été vivement reproché par la Commission européenne, dans son avis motivé du 15 février 2017 à Bruxelles, dans le cadre de la procédure d’infraction nº 2014/4330, car elle l’a jugé clairement discriminatoire et disproportionné, et a invité le Royaume d’Espagne à adopter les mesures d’ajustement correspondantes, ce qu’il n’a pas fait dans les deux mois qui lui ont été accordés. Cela a entraîné l’ouverture d’une procédure à l’encontre de l’Espagne devant la Cour de Justice de l’Union européenne, procédure actuellement en cours ».
Par conséquent, un tel comportement violerait « les principes fondamentaux du droit pénal, qui sont liés à la légalité, à la prédétermination réglementaire et à la non-rétroactivité des normes pénales défavorables ».
Conclusion absolutoire
Dans un premier temps, par la reconnaissance elle-même des faits et conformément à l’estoppel – plus caractéristique de l’ordre juridictionnel civil -, il semblerait que les conditions du taux appliqué soient remplies, puisqu’il s’agit d’une fraude au Trésor Public de l’État espagnol qui dépasse 120 000 euros, pour les frères, et 600 000 euros, pour leur mère.
En revanche, « l’application des principes procéduraux fondamentaux du droit pénal, tels que la non-rétroactivité des normes pénales défavorables, la prescription du délit – comme l’a même reprochée la Commission européenne – et le principe de légalité pénale par la prédétermination réglementaire des délits de leurs peines, constituent des obstacles qui empêchent que nous soyons face à une véritable et réelle infraction punissable », conclut la Cour.
Miguel Morillon. Avocat au Barreau de Madrid
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