Enjeux juridiques de la vente par internet en France et en Espagne

Aujourd’hui, un consommateur français résidant à Paris a la possibilité d’acheter en ligne une bouteille d’huile d’olive espagnole et un consommateur espagnol résidant à Valence peut faire de même avec une bouteille de vin français… Les ventes par internet se sont fortement développées ces derniers temps grâce à l’essor du commerce électronique.

Les autorités européennes, conscientes de cette réalité, ont souhaité réglementer avec précision cette forme de commerce afin d’harmoniser les droits des États Membres y afférant. En effet, la plupart de ces derniers disposait d’une réglementation spécifique en la matière ayant pour objectif l’information et la protection du consommateur lorsqu’il acquiert des biens ou services à distance et notamment au travers d’internet.

Grâce à cette harmonisation, et contrairement à ce que nous pouvons constater dans d’autres secteurs, les règles applicables en matière de vente à distance sont de ce fait similaires en Espagne et en France. En Espagne, c’est la Loi Générale pour la Défense des Consommateurs et des Utilisateurs (Ley General para la Defensa de los Consumidores y Usuarios) qui réglemente la matière, alors qu’en France c’est dans le Code de la Consommation que figurent les dispositions applicables.

Ceci dit, quelles sont les problématiques qui se posent lorsque nous décidons, en tant que consommateurs, d’acquérir un bien ou un service par internet? Et parallèlement, quelles règles doit respecter un professionnel, aussi bien espagnol que français, s’il décide de vendre ses produits ou services par internet?

Les professionnels doivent être conscients du fait qu’ils sont tenus de disposer, sur leur site internet, de conditions générales de vente devant respecter certaines dispositions impératives. Il est, en pratique, fortement conseillé de les faire valider par un professionnel du droit.

L’objet premier des dispositions impératives en la matière est d’assurer une parfaite information des consommateurs. Cette information doit notamment concerner (i) les caractéristiques essentielles des produits ou services, (ii) leur prix et les modalités de paiement, (iii) la date ou le délai de livraison et, (iv) les coordonnées permettant l’identification du vendeur afin que les consommateurs puissent leur adresser leurs éventuelles réclamations. Le professionnel doit en outre déterminer le territoire sur lequel il exerce son activité. Pour la France, il convient de préciser si la vente par internet concerne uniquement la France métropolitaine ou également des territoires d’outre-mer. En ce qui concerne l’Espagne, les conditions générales de vente doivent indiquer si le territoire inclut uniquement la Péninsule Ibérique ou aussi les îles Baléares, les îles Canaries, et les villes autonomes de Ceuta et Melilla. Le but est de spécifier les coûts et délais de livraison des produits en fonction de la destination de ceux-ci.

Une des particularités de la règlementation relative à la vente à distance est d’accorder au consommateur un délai de rétractation après qu’il a passé sa commande. Ce délai a été récemment modifié et est aujourd’hui, tant en France qu’en Espagne, de 14 jours.  Le consommateur qui entend se rétracter n’a pas à motiver sa décision. Le professionnel a l’obligation de fournir au consommateur les informations relatives à l’exercice de ce droit et doit notamment annexer, à ses conditions générales, un formulaire de rétractation conforme à un modèle type.

Les réglementations française et espagnole contiennent également des dispositions impératives en matière de garantie. En France, le 1er mars 2015, entre en vigueur un arrêté relatif aux informations contenues dans les conditions générales de vente en matière de garantie légale qui prévoit que ces dernières doivent contenir, dans un encadré, certaines mentions obligatoires tenant (i) au délai pour agir, qui est de deux ans à compter de la délivrance du produit, (ii) à la faculté du consommateur de choisir entre la réparation ou le remplacement du produit et (iii) à la preuve de l’existence du défaut de conformité. Sur ce dernier point, le consommateur est dispensé de rapporter la preuve d’un tel défaut de conformité pendant les six mois suivant la délivrance du produit. A partir du 18 mars 2016, ce délai sera porté à vingt-quatre mois. Il convient de préciser que la garantie légale de conformité s’applique indépendamment de la garantie commerciale consentie.

En Espagne, lorsqu’il s’agit  d’une vente par internet, la loi prévoit  que le consommateur peut se prévaloir de la garantie légale dans le délai légal de deux ans.

Il est également important d’inclure dans les conditions générales de vente une clause concernant le traitement des données à caractère personnel, compte tenu du fait que chaque consommateur, lorsqu’il passe une commande en ligne, doit fournir ses coordonnées personnelles afin que la commande et l’achat soit réalisé et validé. Conformément à la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978, pour la France, et à la Loi de protection des données à caractère personnel du 13 novembre 1999 (Ley Orgánica de Protección de Datos de Carácter Personal) pour l’Espagne, le consommateur a un droit d’accès, de rectification, d’opposition et de suppression des données le concernant auprès du professionnel.

En cas de litiges donnant lieu à une action judiciaire, c’est le Tribunal du lieu de résidence du consommateur qui est compétent. Ainsi, une entreprise espagnole qui traite avec un consommateur français peut être attraite devant un tribunal français et ce, même en présence d’une clause donnant compétence à un tribunal espagnol. Une entreprise française peut, dans les mêmes conditions, se retrouver devant une juridiction espagnole.

Enfin, l’entreprise qui entend commercialiser ses produits ou services en Espagne et en France va être confrontée à l’obligation de disposer de conditions générales de vente et de documents commerciaux dans différentes langues. En droit français, l’utilisation de la langue française est en effet obligatoire. Le professionnel, quel que soit son lieu d’implantation, qui cible spécifiquement les consommateurs français devra disposer de conditions générales en français. En Espagne, la situation est plus complexe car il existe quatre langues reconnues comme officielles (espagnol, catalan, basque et galicien) et la réglementation en la matière peut varier d’un territoire à l’autre. Ainsi, à titre d’exemple, en Catalogne, la loi oblige à disposer d’une version des conditions générales de vente en catalan, si le consommateur les demande, sous peine d’amende.

En conclusion, le professionnel qui souhaite recourir au commerce en ligne se doit de disposer de conditions générales de vente spécifiques afin de se conformer à la réglementation applicable aux ventes à distance. Il devra, en outre, appréhender les territoires sur lesquels il entend exercer son activité afin de prendre en compte les impératifs notamment de langue.

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Franck Berthault
Avocat associé
M&B AVOCATS
www.mbavocats.eu
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